Observatoire du nucléaire

 

Revue de presse mensuelle n°6 : novembre 2013
Par Stéphane Lhomme

(Voir les revues de presse précédentes depuis juin 2012 : ICI)

Vous pouvez aider l'Observatoire du nucléaire

 

 

Prélude :

Procès Areva / Observatoire du nucléaire le 20 décembre à Paris

Dossier complet : http://bit.ly/1bmR5yV

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Merci à Drapier pour ce dessin de soutien...

 

Chacun le sait, Areva est avant tout au Niger pour faire le bonheur de la population locale et, accessoirement, pour alimenter en uranium les centrales nucléaires françaises. Or, au lieu de féliciter cette belle entreprise philanthropique, de mauvais citoyens - en l'occurrence ceux de l'Observatoire du nucléaire, probablement à la solde des Chinois ou même des Martiens - s'amusent au contraire à la critiquer, voire à la soupçonner.

Heureusement, Areva est aussi une entreprise très courageuse qui sait se défendre, et même contre-attaquer en s'adressant à la Justice. Le combat du siècle est fixé au vendredi 20 décembre 2013, 13h30 au tribunal de grande instance de Paris (rue du Palais). Un rassemblement a lieu devant le tribunal à partir de 12h30 animé par la Compagnie Jolie môme. Areva y'avoir du sport...

Areva demande de lourdes pénalités financières (plus de 25 000 euros). Si vous ne l'avez pas encore fait, vous pouvez soutenir l'Observatoire du nucléaire. La souscription a déjà bien fonctionné (merci à toutes et tous), mais le combat continue en 2014 :
http://observ.nucleaire.free.fr/proces-areva-souscription.htm



 
 


Niger : un otage porte plainte contre Areva... ou pas !



Otages libérés : Pierre Legrand porte plainte contre une filiale d'Areva
RTL.fr, 15 novembre 2013 :
http://bit.ly/HV7j70  
Un ex-otage du Niger se constitue partie civile contre ses ravisseurs
Le Monde.fr, 15 novembre 2013 :
http://bit.ly/1au5NCQ

 
 
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Pierre Legrand a porté plainte contre...
 


Le mois dernier, nous avons évoqué la chère libération des otages d'Areva au Niger, et avons été bien seuls à signaler (sans bien sûr justifier pour autant leur captivité) que ces gens étaient avant tout des « expats » venus tripler leurs salaires en participant au pillage et à la contamination du Niger par les mines d'uranium exploitées par Areva (avec l'aide de Vinci), cf http://bit.ly/184ohq5.

Mais voilà que l'un d'eux se révolte : il porte plainte carrément contre Areva, accusée de ne pas avoir assuré une réelle sécurité. C'est du moins ce que l'on comprend sur le site web de RTL. Mais pas dans la plupart des autres médias, comme par exemple Le Monde, où il n'est question que d'une plainte... contre les ravisseurs.

Il faut croire que ce n'est pas ravissant pour tout le monde de constater qu'un de nos quatre « héros » se retourne contre Areva, cette si gentille multinationale de l'atome qui alimente en uranium les centrales nucléaires françaises tout en contaminant l'Afrique...



 
 


Niger : la France doit-elle vraiment payer l'uranium à un meilleur prix ?


Niger : à qui profite l'uranium ?
Oxfam, 22 novembre 2013 :
http://bit.ly/18bpaxq  
Nombreux articles :
http://bit.ly/1995D0M  


Nous l'avons continuellement dénoncé : depuis 50 ans, la France pille littéralement l'uranium du Niger qu'elle s'attribue à un tarif dérisoire. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de voir la section française de l'ONG Oxfam dénoncer à son tour cet insupportable scandale. Pour autant, nous ne partageons pas les revendications de cette organisation qui souhaite qu'Areva, à l'occasion des négociations qui ont lieu actuellement, paye enfin un prix normal pour l'uranium du Niger.

 
En effet, nous considérons que l'uranium doit... rester sous terre ! Il faut en effet stopper les réacteurs nucléaires qui sévissent chez nous, mais aussi l'extraction de l'uranium qui contamine le Niger, assèche ses nappes phréatiques, génère magouilles et corruptions... On nous rétorquera que ce serait encore pire pour le Niger qui perdrait là des ressources financières certes insuffisantes... mais qui ont néanmoins le mérite d'exister. Ce à quoi nous répondons que la France devrait d'abord rembourser au Niger les milliards qu'elle lui a volé depuis 50 ans.
 
Cela compenserait très largement la fermeture des mines d'uranium et dégagerait en sus des sommes importantes permettant aux Nigériens de développer des programmes d'alimentation, d'éducation, de santé, etc. Nous sommes bien conscients du caractère utopique de ces suggestions mais, à ce jour, il n'est pas encore interdit de rêver à un monde meilleur...



L'uranium a mauvaises mines !


Projet de mine d'uranium : le Grand canyon sauvé ?
Mining.com, 7 novembre 2013 :
http://bit.ly/1cDI8PY  
« Journées de l'uranium » de la Société Géologique de France
Programme, 25 novembre 2013 : http://bit.ly/1c0UTlU  
Un parc d'attraction à la gloire de l'uranium et de l'industrie nucléaire
Bastamag, 8 novembre 2013 :
http://www.bastamag.net/article3483.html  


Il n'y a pas qu'au Niger que l'uranium pose problème. Aux USA, un projet de mine prévu près du fameux Grand canyon est annulé : lourde déconvenue pour le lobby de l'atome qui aime tant contaminer les sites les plus remarquables. Mais voilà, l'avenir plus que sombre de l'industrie nucléaire fait que le prix de l'uranium est trop bas pour donner la moindre perspective de rentabilité.

Pas de quoi décourager la Société Géologique de France qui s'est laissée acheter par Areva et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et a organisé de belles « Journées de l'uranium ». Pour un peu, on en mangerait ! A contrario, l'excellent Bastamag atomise le « musée de l'Uranium » que nous avons déjà évoqué en juin dernier...




Le réacteur EPR de Flamanville a mal à la tête...


EPR : le grand bricolage
Canard enchaîné, 20 novembre 2013 :
http://bit.ly/1b0YtQv  
Chanson « N'achetez pas notre centrale nucléaire »
La Parisienne libérée :
http://bit.ly/180Iu5R  

Mais où sont-ils donc tous ces médias qui, en juillet dernier, célébraient (cf http://bit.ly/18sd8FJ ) la pose « spectaculaire » du dôme de l'EPR grâce à « la plus grande grue du monde » ?
Heureusement que le Canard enchaîné (un des rares médias à ne pas vivre de la publicité, ce qui explique beaucoup de choses) est là pour faire savoir que le fameux dôme a été abîmé par la chute d'éléments qui sont venus s'écraser dessus, énième grave faute sur le chantier de Flamanville...
Heureusement, si on peut dire, une réparation a été improvisée avec... des rustines ! Pas étonnant que la Parisienne libérée ait décidé d'avertir en chanson les éventuels acheteurs d'EPR de passer leur chemin...




Le projet de deux EPR en Grande-Bretagne plus que jamais virtuel


Nucléaire : les aides de Londres sous la loupe de Bruxelles
Le Monde, 27 novembre 2013 :
http://bit.ly/1cZxrY9  
Security fears over 'Orwellian' Chinese nuclear deal
BBC News, 30 novembre 2013 :
http://bbc.in/Iu8Lho  
Hinkley Point deal under threat from EU ruling
The Telegraph, 30 novembre 2013 :
http://bit.ly/1eSKsnK  


Le mois dernier, la quasi totalité des médias français ont célébré la prétendue « grande victoire » de l'industrie atomique française qui, nous dit-on, a réussi à vendre deux réacteurs EPR à la Grande-Bretagne. Nous avons expliqué que c'étaient en réalité des français qui achetaient des réacteurs à des français (c'est plus facile comme ça) puisque EDF a fait auparavant l'acquisition (ruineuse) de British energy.

Mais surtout, depuis des mois, nous prétendons que le projet n'ira pas à son terme. En particulier, le deal passé entre EDF et Londres, véritable accord de dumping (des milliards en argent public versés à EDF pour rendre « rentable » un projet lourdement déficitaire), risque bien d'être annulé par Bruxelles. Pour une fois, la fameuse « concurrence libre et non faussée » pourrait avoir du bon. Et, justement, une fois passé le temps des cocoricos radioactifs, l'étau se resserre.
 
Si Le Monde évoque l'affaire de façon bien prudente, on en apprend bien plus dans les journaux britanniques. Non seulement une enquête approfondie de Bruxelles va être lancée, mais il apparaît aussi que la participation des Chinois au projet EDF/Londres pose de vrais problèmes de sécurité nationale en Grande-Bretagne. Plus que jamais, l'Observatoire du nucléaire pronostique l'effondrement du projet de réacteurs EPR en Grande-Bretagne...

 

 

Fukushima : toujours pire...


A Fukushima, les autorités prescrivent un retour au « pays natal »
Rue89, 7 novembre 2013 :
http://bit.ly/1cZF5BG  
Fukushima : le scandale étouffé du contrôle européen des aliments
Agoravox, 7 novembre 2013 :
http://bit.ly/18lg7NR  
Fukushima: 22 premiers assemblages de la piscine 4 désormais en lieu sûr
AFP, 22 novembre 2013 :
http://bit.ly/1bm9qw8  


Nouvel article remarquable de notre ami Thierry Ribault (CNRS), avec cette fois Cécile Asanuma Brice (chercheur associée à la Maison franco-japonaise de Tokyo). Remarquable mais glaçant, désespérant, effrayant.  Les dirigeants politiques et ceux du lobby nucléaire font tout pour que les conséquences de la catastrophe de Fukushima soient minorées et même niées, au détriment de la santé et de la vie des travailleurs, des habitants, des enfants.

Pour sa part, Patrick Samba, attire notre attention sur les conséquences de « la décision injustifiée et coupable en terme de santé publique, et probablement entachée d'illégalité, prise par la Commission européenne en octobre 2012, d'"assouplir" les contrôles effectués sur les aliments en provenance du Japon ».

Le lobby nucléaire veut clairement nous empoisonner, et il a encore d'autres atouts dans sa manche : par exemple, la fameuse piscine du réacteur 4 de Fukushima qui peut, à chaque instant, causer une nouvelle catastrophe encore pire que la précédente. L'opérateur nucléaire (donc menteur et contaminateur) Tepco a commencé les opérations consistant à retirer les barres de combustible nucléaire de cette piscine : les 22 premières seraient désormais en lieu sûr. Il n'en reste donc « plus que »... 1511 !

 


Le crash du nucléaire : même la Banque mondiale n'en veut plus !

La Banque mondiale n'envisage pas d'investir dans le nucléaire
AFP, 27 novembre 2013 : http://bit.ly/1bWFfIg  
Comanche Peak expansion suspended
star-telegram.com, 8 novembre 2013 :
http://bit.ly/1co8SWL  


Encore une annulation aux USA : les deux nouveaux réacteurs qui devaient voir le jour à Comanche Peak (Texas) viennent rejoindre la liste de plus en plus conséquente des mirages. Le nucléaire est tellement déconsidéré que même la Banque mondiale, pourtant connue pour financer de nombreuses horreurs, ne veut plus mettre d'argent dans cette voie de garage ! Et pendant ce temps, la majorité des médias français continuent d'évoquer un fumeux "grand retour du nucléaire". A quand le grand retour de l'information ?




Stockage des déchets radioactifs : le guichet des corrompus


FA-VL : Les élus se partagent déjà le magot...
Auboisementcorrect, 26 novembre 2013 :
http://bit.ly/1azznUl  
Troisième centre de stockage: les élus posent leurs conditions
Est eclair, 22 novembre 2013 :
http://bit.ly/189Qxxb  
Le stockage des déchets à Bure, un puits sans fond ?
Les Echos, 27 novembre 2013 :
http://bit.ly/1clTLNy  


Pour mémoire, il n'existe aucune « solution » pour les déchets radioactifs, seulement des « options »... qui sont toutes mauvaises. L'enfouissement de ces horreurs nucléaires est probablement la plus mauvaise de ces options, mais pas pour tout le monde. En effet, les Bouygues, Vinci et compagnie s'attendent à gagner beaucoup d'argent pour construire les structures d'enfouissement.
 
Par ailleurs, de nombreux élus se bousculent déjà pour tenter de récupérer une partie de la manne. En effet, l'Agence nationale pour les déchets radioactifs (Andra) a mis en place un écoeurant système de « corruption légale » : des millions offerts aux Collectivités qui collaboreront (au sens le plus péjoratif du mot) au crime de l'enfouissement. Argent radioactif, argent sale...
 


Désinformation pronucléaire : une valeur en hausse !

{Sciences2}: nucléaire, l'imposteur c'est le journaliste?
Médiapart, 15 novembre 2013 :
http://bit.ly/1bjIflo  

Excellente mise au point de Pascal Hingamp par rapport à la mauvaise foi, que nous avons souvent signalée, du dénommé Sylvestre Huet, laudateur officiel de l'atome à Libération (toujours sous surveillance de Anne Lauvergeon ). Erreurs factuelles, omission grotesque, raccourcis trompeurs, allégations non fondées, censure...  n'en jetez plus !


 

Voiture nucléaire : Bolloré a enfin plié !


Blue car, Autolib : Bolloré pollue et ment !
Observatoire du nucléaire, 8 novembre 2013 :
http://blue.car.bollore.free.fr  
Autolib : les batteries Lithium-Metal-Polymère de Bolloré brulent très bien
Rappel Moteurnature.com :
http://bit.ly/1bM01Qc  
 
 
 
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Les Autolibs s'enflamment spontanément...
 


Ca y est ! Après avoir triché et menti pendant des semaines, Bolloré vient enfin de retirer la mention « véhicule propre » de son site web consacré à la voiture électrique (nucléaire) Bluecar, le modèle utilisé par Autolib (Paris), BlueLy (Lyon) ou BlueCub (Bordeaux). Victoire totale de l'Observatoire du nucléaire ! Cf http://blue.car.bollore.free.fr  

Bien qu'étant toujours totalement censurée par la presse française (publique : AFP ou privée : détenue la plupart du temps par des groupes industriels !), à part le Canard enchaîné, l'affaire est cependant loin d'être terminée : les collectivité territoriales dépensent des sommes folles d'argent public pour offrir des bornes de rechargement pour les voitures électriques... des constructeurs privés. Détourner à son profit l'argent public, c'est devenu l'activité principale du lobby de l'atome, encouragé par le gouvernement (et ses faux écolos)...
 
Pour revenir à Bolloré, sachez que ses batteries LMP (Lithium Métal Polymère), célébrées par M. Hollande, présentées comme meilleures que celles des concurrents, nécessitent d'être maintenue à 80° même lorsque les voitures sont à l'arrêt : voilà qui est très « écolo » ! Et très dangereux : ces petits bijoux ont de plus en plus tendance à s'enflammer ! Bolloré prétend qu'il s'agit là d'incendies criminels, mais on peut en douter comme c'est le cas avec cet incendie de deux Bluecar... un lundi à 9h du matin : à cette heure là, en général, les pyromanes dorment !!!!



Accord nucléaire avec l'Iran : théâtre et écran de fumée


Premier accord historique sur le nucléaire iranien
AFP, 24 novembre 2013 :
http://bit.ly/Itxum5  
Nucléaire : plusieurs mois de négociations secrètes entre les Etats-Unis et l'Iran
Le Monde, 24 novembre 2013 :
http://bit.ly/1g8Qyo1  
Fabius : Paris a «convaincu ses partenaires» d'infléchir l'accord de Genève
Le Monde, 26 novembre 2013 :
http://bit.ly/IQ4TIa  
Accord avec l'Iran : prétexte nucléaire pour changement de stratégie
Observatoire du nucléaire, 30 novembre 2013 : ci-dessous



Le monde entier a été tenu au courant : les grandes puissances ont signé avec l'Iran un accord pour "empêcher ce pays d'accéder à l'arme atomique". Qui plus est, par l'intermédiaire de Laurent Fabius, subitement promu "grand spécialiste du nucléaire", la France a obtenu l'arrêt d'un réacteur curieusement "oublié" par ces grands distraits que sont les américains. Tout ceci n'est en réalité que balivernes, mais heureusement l'Observatoire du nucléaire est là pour décrypter cette pièce de théâtre, ses tenants et ses aboutissants. Lire ci-dessous...

 


Accord nucléaire avec l'Iran : le grand bluff !

par Stéphane Lhomme - 5 décembre 2013
Directeur de l'Observatoire du nucléaire

 

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Les dirigeants israéliens furieux... non pas du nucléaire
iranien mais de perdre leur meilleur prétexte pour
maintenir leur pays dans un état permanent de paranoïa

 

Le 24 novembre 2013, les cinq puissances nucléaires officielles - USA, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne (*) - accompagnées par l'Allemagne et la représentante de l'Union européenne, Catherine Ashton, ont signé avec l'Iran un accord sur la question du nucléaire. Cet évènement a été abondamment couvert par les médias du monde entier qui, pour la plupart, nous ont expliqué que, par cet accord :
 
- l'Iran renonçait à ses ambitions inavouées d'accéder à l'arme atomique ;
- l'Iran allait redevenir fréquentable sur le plan international.
 
La réalité est en fait. exactement inverse :
 
- l'Iran ne renonce à rien du tout sur le plan nucléaire ;
- c'est parce que les occidentaux ont désormais besoin que l'Iran soit fréquentable que l'accord nucléaire a été signé.
 
Notons d'ailleurs que, contrairement à ce que font semblant de croire les dirigeants des pays impliqués, ils ne sont pas inquiets à l'idée que l'Iran puisse posséder tôt ou tard des armes nucléaires. En effet, les mollahs iraniens sont certes des tyrans sur le plan intérieur, mais ils sont loin d'être les fous illuminés parfois décrits : il se garderont bien de lancer une attaque atomique contre Israël, ce qui leur assurerait immédiatement une riposte destructrice de la part des USA.
 
L'arme nucléaire leur servira « seulement » à asseoir un statut de grande puissance régionale qu'ils sont aujourd'hui en position d'acquérir avec la bénédiction des Occidentaux. Mais, pourquoi ces derniers ont-ils subitement changé de position par rapport à l'Iran ? C'est en fait la réalité géopolitique du Moyen-Orient qui a été bouleversée en quelques années.
 
Depuis des décennies, les alliés principaux des USA dans la région étaient, outre Israël, l'Egypte et l'Arabie saoudite, deux dictatures d'une stabilité parfaite pour Washington. qui s'est bien gardé d'y mener une de ses fameuses guerres "pour la démocratie".
 
Par ailleurs, l'Irak de Saddam Hussein contrecarrait tout risque de montée en puissance de l'Iran : les Occidentaux poussèrent même ces deux pays à se saigner mutuellement lors de la terrible guerre de 1980-1988. Et enfin, les USA instrumentalisaient la question du nucléaire pour isoler l'Iran, seulement soutenu par la Russie.
 
Mais aujourd'hui, ce tableau « idyllique » a complètement changé : l'Irak est terriblement affaibli depuis la guerre menée par Bush. Puis les Printemps arabes ont eu lieu : l'Egypte est désormais dans une situation précaire, la Libye et la Syrie sont totalement déstabilisées et vont d'autant plus le rester que l'Arabie saoudite et le Qatar y soutiennent des groupes fondamentalistes sunnites qui détestent les USA. mais aussi l'Iran chiite.
 
Il n'en fallait pas plus pour que les USA changent leur fusil d'épaule et considèrent que, désormais, le rôle de "gendarme" de cette région si stratégique - du fait de ses réserves pétrolières et gazières - devait être attribué à l'Iran. Encore fallait-il que ce dernier devienne subitement fréquentable.
 
Rien de plus facile en fait car un prétexte a ceci de formidable qu'il peut servir dans les deux sens : d'abord lorsqu'on l'invoque, et ensuite lorsqu'on décrète qu'il n'est plus de mise. C'est ce qui vient de se passer pour l'Iran : une superbe pièce de théâtre organisée en Suisse, conclue par un bel accord, et le tour est joué.
 
Les mollahs iraniens peuvent se réjouir : ils vont accéder à des rentrées financières massives - en particulier grâce à la suspension des restrictions sur la vente de pétrole - qui vont leur permettre de soulager quelque peu les souffrances de la population. et surtout de perpétuer leur régime.
 
La « révolution verte » du peuple iranien en 2009 est de fait définitivement enterrée avec la complicité active des démocraties occidentales. Ces dernières, oubliant les combattants de la liberté qu'elles prétendaient soutenir, sont désormais amies avec les tortionnaires qui ont réprimé si férocement ce courageux soulèvement.
 
Mais revenons à ce fameux accord nucléaire : les modestes concessions faites par Téhéran reviennent juste à retarder dans le temps la capacité de l'Iran à accéder à l'arme atomique. C'est même la plus parfaite illustration de l'expression « reculer pour mieux sauter » car cette capacité sera encore plus effective avec des réserves financières reconstituées et une industrie atomique « civile » fonctionnelle.
 
En effet, lorsque l'on sait enrichir l'uranium jusqu'à 5%, on sait aussi bien le faire jusqu'à 95% (teneur nécessaire pour une bombe atomique) : il suffit de faire tourner longtemps les centrifugeuses sans qu'il n'y ait besoin de modifications techniques. L'accord nucléaire signé avec l'Iran relève donc uniquement de la gesticulation.
 
C'est en particulier le cas concernant le prétendu « rôle crucial » de la France qui se targue d'avoir contraint les Iraniens à arrêter le réacteur d'Arak, susceptible de produire du plutonium de qualité militaire. Il faudrait donc croire que les USA, qui suivent pourtant de très près cette affaire depuis des années, auraient « oublié » l'existence de ce réacteur, opportunément rappelée par Laurent Fabius, nouveau « grand spécialiste » de l'atome. Cette thèse ridicule a pourtant été largement servie par la majorité des médias.
 
En réalité, il y a eu une habile répartition des rôles, les USA ne souhaitant de toute évidence pas être considérés comme les seuls comptables de la réhabilitation de l'Iran. C'est assurément aussi pour cela que, lors des discussions, le stylo a été tenu par Mme Ashton, la représentante jusqu'alors inutile de la diplomatie européenne.
 
Notons d'ailleurs que, même si les Iraniens abandonnent réellement la piste du plutonium, ce qui reste à prouver, ils pourront sans problème se contenter de bombes à l'uranium enrichi : le bombardement nucléaire d'Hiroshima n'a pas été moins « réussi » que celui de Nagasaki.
 
Mais à nouveau, si les dirigeants israéliens dénoncent avec tant de force l'accord nucléaire du 24 novembre, ce n'est absolument pas qu'ils craignent d'être « atomisés ». Ce qu'ils redoutent avant tout, c'est la fin des restrictions économiques qui empêchaient jusqu'à maintenant l'Iran de devenir la grande puissance géopolitique de la région.
 
Par ailleurs, lorsque le monde entier constatera que l'Iran ne tente pas d'atomiser Israël, les dirigeants de l'Etat hébreux auront perdu un de leurs principaux prétextes pour maintenir leur pays dans un état de paranoïa permanente. Le seul « danger » venant des malheureux Palestiniens ne suffira assurément plus...
 
Mais, faut-il tout de même s'inquiéter de l'atome iranien ? Oui. exactement comme de n'importe quel autre programme nucléaire : celui de la France, celui de la Chine, celui des USA, etc, sans oublier celui d'Israël avec son antique centrale de Dimona.
 
Aucun de ces acteurs ne veut évoquer les risques de catastrophe, la question insoluble des déchets radioactifs, les graves pollutions causées par les mines d'uranium, etc. Or, ce sont bien là les principaux dangers imposés par l'atome, tant militaire que « civil ». Combien faudra-t-il encore de drames comme celui de Fukushima avant qu'il soit décidé d'en finir enfin avec le nucléaire ?
 
 
Stéphane Lhomme - 5 décembre 2013
Directeur de l'Observatoire du nucléaire


(*) Ces cinq pays sont officiellement les seuls à détenir l'arme atomique, et les seuls à y être autorisé dans le cadre du Traité de non prolifération (TNP). Ce dernier n'a pas été ratifié - et pour cause - par les quatre autres pays qui possèdent des bombes nucléaires : Inde, Pakistan, Israël, Corée du Nord.

 

 


Rendez-vous l'année prochaine, joyeuses fêtes à toutes et tous


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